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Guides de pratique clinique
Benzodiazépines et apparentés dans l'anxiété et l'insomnie : prescription et sevrage
3/06/2015
Libre d'accès

  • Toute prescription de benzodiazépines (BZD) ou médicaments apparentés doit respecter les indications et les durées de traitements prévues par l'AMM.
  • Les effets secondaires et les modalités d'arrêt sont à expliquer au patient dès son instauration.
  • En cas de traitement chronique (prise quotidienne > 30 jours), l'arrêt doit toujours être progressif, sur une durée de quelques semaines à plusieurs mois.
  • Si l'objectif de la démarche est l'arrêt, l'obtention d'une diminution de posologie doit déjà être considérée comme un résultat favorable.
  • Le sujet de cette synthèse est limité aux benzodiazépines (BZD) et médicaments apparentés prescrits en cas d'anxiété et d'insomnie.

Figure 1. Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés
Figure 1. Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés
Figure 2. Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés chez un patient de plus de 65 ans
Figure 2. Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés chez un patient de plus de 65 ans

Indications et durées de prescription

  • Les BZD sont des molécules qui agissent sur le système nerveux central et qui possèdent des propriétés anxiolytiques, hypnotiques, myorelaxantes et anticonvulsives.
  • Respecter les indications validées et les durées de prescription des BZD pour l'anxiété et pour l'insomnie prévues par l'AMM (tableau 1).
  • La durée de prescription est limitée à 4 semaines pour les BZD hypnotiques et jusqu'à 12 semaines pour les BZD anxiolytiques.
  • Au-delà de 28 jours, l'efficacité est incertaine et les risques d'effets délétères et de dépendance augmentent.
Tableau 1. Indications et durées des benzodiazépines et apparentés indiqués dans l’anxiété et dans l’insomnie
  Anxiété Troubles du sommeil
Indications Manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes Insomnie occasionnelle ou transitoire sévère
Durée**
(période de réduction de posologie comprise)
Maximum 8 à 12 semaines Quelques jours à 4 semaines
- Insomnie occasionnelle (ex : voyage) : 2 à 5 jours
- Insomnie transitoire (ex : survenue d’un événement grave) : 2 à 3 semaines
​Classe BZD BZD ANXIOLYTIQUES BZD HYPNOTIQUES
Molécules remboursées DCI ​Spécialités ​Demi-vie DCI ​Spécialités
Clotiazépam
Oxazépam
Alprazolam
Lorazépam
Bromazépam
Clobazam
Clorazépate dipotassique Nordazépam
Prazépam
Diazépam
Loflazépate d'éthyle
​VERATRAN
SERESTA
XANAX*
TEMESTA* LEXOMIL*
URBANYL
TRANXENE

NORDAZ
LYSANXIA*
VALIUM*
VICTAN
​4h
8h
10h - 20h
10h - 20h
20h
20h
30 - 150h

30 - 150h
30 - 150h
32h - 47h
77h
​Estazolam
Loprazolam
Lormétazépam Nitrazépam
Témazépam
Zolpidem1
Zopiclone
​​NUCTALON
HAVLANE
NOCTAMIDE* MOGADON
NORMISON
STILNOX1*
IMOVANE*
**Traitement aussi bref que possible. Dans certains cas, il pourra être nécessaire de prolonger le traitement au-delà des périodes préconisées. Cela suppose des évaluations précises et répétées de l'état du patient.
* Spécialités génériquées
1 Prescription sur ordonnance sécurisée

Prescription et renouvellement

Effets délétères des BZD

  • Risque de dépendance
  • Diminution des réflexes et de la concentration (accidents de la voie publique)
  • Risque de chutes
  • Troubles mnésiques (si l'altération des performances cognitives à court terme est reconnue, les données actuelles ne permettent pas de conclure à l'existence ou non d'une association entre la prise de benzodiazépines et la survenue de démence).

Patients en capacité d'arrêter

Les personnes sont en capacité d'arrêter si :
  • elles le souhaitent
  • sont compliantes et motivées
  • ont un support social adéquat
  • n'ont pas d'antécédents de complications à l'arrêt de médicaments
  • peuvent être revues régulièrement

Patients nécessitant des précautions particulières

Certaines situations nécessitent des précautions particulières, notamment une décroissance des posologies plus lente et un suivi renforcé :

Patients nécessitant une prise en charge spécialisée conjointe

  • Une prise en charge spécialisée conjointe par un psychiatre ou un addictologue est indiquée dans les cas suivants :
    • doses très élevées de BZD
    • usage illicite ou récréatif
    • associations à d'autres psychotropes
    • dépendance à l'alcool
    • autre dépendance
    • insomnie rebelle
    • troubles psychiatriques sévères
  • L'avis d'un spécialiste (psychiatre, addictologue, psychologue, etc.) ou l'envoi vers une prise en charge spécialisée est à considérer dans les cas suivants :
    • antécédent d'alcoolisme ou autre dépendance
    • pathologies sévères concomitantes
    • troubles psychiatriques ou troubles de la personnalité
    • antécédent(s) d'abandon de sevrage médicamenteux

Au moment d'entreprendre un arrêt, évaluer les attentes du patient et son degré « d'attachement » aux benzodiazépines (questionnaire ECAB patient), pour aboutir à une décision partagée et évaluer les facteurs pronostiques.

  • Chez tout patient traité quotidiennement depuis plus de 30 jours, il est recommandé de proposer une stratégie d'arrêt.
  • Une première intervention réalisée par le médecin traitant peut être proposée :
    • information orale lors d'une consultation
    • ou information écrite, argumentée, personnalisée, remise au patient par le médecin (fiche info patient)
  • Elle se poursuit par une consultation spécifique centrée sur les modalités d'arrêt de la BZD.
  • Si la proposition d'arrêt des benzodiazépines n'est pas acceptée par le patient, il est recommandé de renouveler l'information lors d'une consultation ultérieure.

Informer le patient des modalités d'arrêt

  • L'arrêt doit toujours être progressif.
  • L'objectif est l'arrêt de la consommation de BZD. Cependant, l'obtention d'une diminution de posologie doit déjà être considérée comme un résultat favorable.
  • Offrir l'assurance au patient qu'il est acteur du processus d'arrêt, en particulier sur le choix du rythme qui lui convient. L'arrêt peut prendre de 3 mois à un an, ou plus si nécessaire.
  • En ambulatoire, il peut être conduit :
    • en 4 à 10 semaines habituellement
    • sur plusieurs mois pour des utilisateurs de longue durée ou recevant des posologies élevées
  • La tenue d'un agenda du sommeil et/ou d'un calendrier de décroissance posologique (avec relevé des symptômes inhabituels) peut également être utile et proposée.

Informer le patient du syndrome de sevrage

  • Presque tous les symptômes aigus de sevrage sont ceux de l'anxiété (tableau 2).
  • Avec une décroissance posologique lente, de nombreuses personnes ne ressentent que peu, voire pas de symptômes de sevrage.

Prise en charge multidisciplinaire

  • En accord avec le patient, un protocole pluriprofessionnel de sevrage des BZD peut être mis en place associant le médecin traitant prescripteur, le médecin spécialiste si présent dans le suivi de la maladie, le pharmacien, l'infirmière et l'entourage du patient.
  • Il est recommandé de proposer au patient de ramener les autres boîtes de BZD qu'il possède à son pharmacien d'officine, pour limiter le risque de reprise ou de consommation par une personne de son entourage.

Rythme et modalités

  • Le rythme de la surveillance dépend du patient et de la modalité de suivi choisie.
  • Chez les patients qui ont plusieurs facteurs de risque d'échec ou de syndrome de sevrage ou chez lesquels l'arrêt s'avère difficile, il est recommandé de renforcer et d'adapter le protocole de suivi (délivrance fractionnée en accord avec le pharmacien, suivi de l'observance à distance, etc.)
  • Il est utile que le patient ait la possibilité d'avoir un contact téléphonique avec le praticien et/ou d'autres professionnels de santé.

Consultation de suivi

  • Analyser les symptômes liés à l'arrêt ou d'autres symptômes nouveaux.
  • Evaluer l'adhésion au protocole d'arrêt.
  • Rechercher une augmentation de la consommation d'alcool, de tabac ou d'autres substances psychoactives.
  • Titrer la réduction de posologie (récupération des comprimés non utilisés).
  • Réaliser du renforcement positif vis-à-vis de la diminution posologique.

Suivi après l'arrêt de BZD

  • Consultation 3 à 7 jours après la dernière prise :
    • évaluer les symptômes liés à l'arrêt
    • informer sur la possibilité d'un syndrome de rebond d'anxiété et d'insomnie
    • demander au patient de rapporter les autres boîtes de BZD à son pharmacien d'officine
  • Suivi régulier en consultation durant les 6 premiers mois qui suivent l'arrêt (période la plus à risque de reprise).

Symptômes et signes cliniques

Tableau 2. Liste des principaux signes rapportés lors de l'arrêt des BZD
Intensité modérée Intensité sévère
Agitation, anxiété, nervosité
Céphalées
Diaphorèse, diarrhée, dysphonie
Etourdissement
Faiblesses ou raideurs musculaires
Fatigue
Goût métallique dans la bouche
Impatience, insomnie, irritabilité
Léthargie, manque de motivation
Perte d'appétit, sensibilité accrue aux bruits et aux odeurs
Trouble de concentration
Cauchemars
Confusion
Convulsions (rare)
Délire
Dépersonnalisation, distorsion perceptuelle
Fasciculations
Hypotension orthostatique
Mauvaise coordination ou incoordination motrice
Nausées, vomissements
Tachycardie, palpitations, tremblements
Vertiges

Conduite à tenir devant des signes de sevrage pendant la phase de décroissance des BZD

  • Symptômes peu intenses : ralentir la vitesse de réduction ou allonger la durée des paliers posologiques
  • Symptômes importants : revenir à la posologie précédente et ralentir le rythme de décroissance
  • Symptômes graves : confusion, hallucinations, troubles de vigilance, convulsions, coma : hospitalisation pour traitement symptomatique

Conduite à tenir devant des signes de sevrage après l'arrêt des BZD

  • L'arrêt des BZD peut entraîner :
    • un syndrome de sevrage : apparition de signes nouveaux dus à l'arrêt ou la diminution des BZD
    • un rebond : réapparition de signes cliniques antérieurs au traitement dont l'intensité est augmentée (souvent rebond d'insomnie ou d'anxiété)
    • une rechute : réapparition de signes cliniques antérieurs au traitement
  • En cas de symptômes sans gravité : il est recommandé de ne surtout pas reprendre la BZD. L'information et le soutien psychologique permettent le plus souvent d'attendre la disparition des signes (fin d'effet rebond ou fin de sevrage).
  • Si les signes sont plus sévères ou persistent : une réévaluation diagnostique s'impose pour prise en charge spécifique dans le cadre d'un diagnostic précis (dépression, troubles anxieux, insomnie avérée, etc.).

Auteurs de la synthèse : Rambaud, Claire; Tangtakoun, Annie