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  • Des propos suicidaires chez les enfants ou adolescent(e)s ne doivent jamais être négligés ou banalisés.
  • Parler du suicide n'incite pas au passage à l'acte.
  • Les médecins généralistes peuvent repérer le risque suicidaire de manière proactive
    La proactivité consiste à identifier, parmi les personnes en difficulté, celles nécessitant une attention particulière pour leur proposer une prise en charge adaptée, sans attendre une demande spécifique
    , par écoute active et questionnement direct, au besoin avec l'aide de questionnaires (ASQ, BITS).
  • L'évaluation d'une crise suicidaire de l'enfant ou de l'adolescent repose notamment sur l'estimation du niveau :
  • Le risque serait majeur dans les 12 mois après une tentative de suicide.
  • L'orientation vers les urgences est indiquée :
    • en cas de tentative de suicide récente, quel que soit le niveau d'urgence suicidaire actuel
    • niveau d'urgence suicidaire élevé

  • Une idée suicidaire est le fait de penser à mourir :
    • passive : vouloir être mort sans penser à se suicider
    • active : penser à se suicider
  • Une crise suicidaire est une crise psychique dont le risque majeur est le suicide.
    • la personne est en situation de souffrance et de rupture d'équilibre relationnel avec elle-même et son environnement, en raison d'un état d'insuffisance de ses moyens de défense et de vulnérabilité.
    • cet état est réversible et temporaire.
  • Une conduite suicidaire est une catégorie recouvrant :
    • les tentatives de suicide
    • l'ensemble des comportements préparatoires au passage à l'acte
  • Blessure auto-infligée : comportement autodirigé portant un préjudice pour la personne. Elle peut avoir lieu avec ou sans intention de mourir.

  • Le suicide représente la 2ecause de mortalité chez les 15-24 ans et la 5e cause de mortalité chez les moins de 13 ans.
  • Le nombre de décès par suicides en France en 2016 a été de :
    • 352 personnes chez les 15-24 ans
    • 26 personnes chez les 1-14 ans
    • ces chiffres pourraient être sous-estimés de 10 à 30%
  • En France en 2020, les données de l'observatoire national du suicide suggéraient que les idées suicidaires étaient présentes dans les 12 derniers mois pour :
    • 8 % des collégiens
    • 13 % des collégiennes
  • Les moyens les plus utilisés pour se suicider en Europe et aux États-Unis sont :
    • chez les adolescent(e)s : l'intoxication médicamenteuse volontaire
    • chez les enfants : la pendaison et la suffocation
  • Tentative de suicide : parmi les jeunes âgés de 17 ans : celles et ceux qui déclaraient avoir déjà fait au moins une tentative de suicide ayant entraîné une hospitalisation au cours de leur vie étaient (France, estimation 2017) :
    • 4,3 % des filles
    • 1,5 % des garçons
  • La réitération suicidaire
    nouvelle tentative de suicide
    concerne près d'un adolescent suicidant
    qui a fait une tentative de suicide
    sur quatre
  • Le risque semble être majeur dans les 12 mois après une tentative de suicide

  • Poser la question à un enfant ou un(e) adolescent(e) sur la présence d'idées suicidaires n'induira pas de telles idées ou ne provoquera pas de passage à l'acte. Il est recommandé d'être explicite lorsque la question est abordée C
    Gradation des recommandations HAS
    .
  • L' identification proactive
    consiste à identifier, parmi les personnes en difficulté, celles nécessitant une attention particulière, sans attendre une demande spécifique.
    des enfants et des adolescents à risque suicidaire a une importance considérable :
    • moins de 50 % des adolescent(e)s ayant des idées suicidaires chercheraient à être aidés
    • seuls 25 à 45 % des enfants ayant fait une tentative de suicide exprimeraient leurs idées suicidaires à un tiers

Motif de consultation : en lien avec la santé mentale

  • Si le motif de consultation concerne des difficultés en lien avec la santé mentale (ou qu'elles se révèlent au cours de la consultation) :
    • il est recommandé d'interroger systématiquement l'enfant/adolescent sur l'existence d' idées et de conduites suicidaires actuelles, récentes ou anciennes AE
      Gradation des recommandations HAS
    • avec des questions explicites
    • le questionnaire ASQ
      Ask Suicide-Screening Questions
      Tableau
      1 peut être utilisé
Tableau 1. Questionnaire ASQ (Ask Suicide-Screening Questions)
1. Au cours des dernières semaines, as-tu souhaité être mort ?
2. Au cours des dernières semaines, as-tu eu le sentiment qu'il serait préférable, pour toi ou ta famille, que tu sois mort ?
3. Au cours de la dernière semaine, as-tu eu des pensées suicidaires ?
4. As-tu déjà essayé de te suicider ?
Si le patient répond oui à l'une des questions ci-dessus, il est demandé de lui poser la question supplémentaire suivante :
5. As-tu l'intention de te suicider en ce moment ?

Motif de consultation : sans lien avec la santé mentale

  • Pour tous motifs de consultations sans lien avec la santé mentale d'enfants et d'adolescents, il est recommandé d'utiliser le BITS (Tableau 2), notamment chez les adolescent(e)s de plus de 12 ans C
    Gradation des recommandations HAS
    :
    • poser successivement les questions dans l'ordre
    • pour chaque thème, le score le plus haut est retenu
    • à partir de 3 points sur 8 : questionner sur la présence d'idées ou de conduites suicidaires actuelles, récentes ou anciennes
      • il est alors possible de s'aider d'outils comme l'ASQ
Tableau 2. Questionnaire BITS (Bullying Insomnia Tobacco Stress Test)
Thème Question Réponse Cotation
Insomnie As-tu souvent des insomnies, des troubles du sommeil ?
Des cauchemars ?
Insomnies, troubles du sommeil 1 point
Cauchemars 2 points
Stress Te sens-tu stressé par le travail scolaire ou bien par l'ambiance familiale ?
Par les deux ?
Stress dû au travail scolaire ou à l'ambiance familiale 1 point
Stress dû au travail scolaire et à l'ambiance familiale 2 points
Brimades As-tu été récemment brimé ou maltraité à l'école, ou par téléphone ou Internet ?
Et en dehors de l'école ?
Brimades ou maltraitances à l'école, par téléphone ou Internet 1 point
Brimades ou maltraitances en dehors de l'école 2 points
Tabac Fumes-tu parfois du tabac ?
Tous les jours ?
Tabagisme infraquotidien 1 point
Tabagisme quotidien 2 points

  • L'évaluation de la crise suicidaire est clinique. Elle comprend l'évaluation de :
  • L'utilisation d'outils validés standardisés n'est ni indispensable, ni suffisante à l'évaluation d'une crise suicidaire de l'enfant ou de l'adolescent.
    • il existe une échelle C-SSRS (Columbia Suicide Severity Rating Scale)
      • validée pour les adolescents à partir de 12 ans
      • destinée à des praticiens entrainés à sa passation
    • elle peut peut guider la conduite de l'entretien, mais pas s'y substituer
  • Les conditions d'entretien conseillées sont de :
    • consacrer au moins un entretien avec l'enfant/adolescent seul, en établissant un cadre favorable
    • compléter cet entretien, si possible, par le recueil d'informations auprès des titulaires de l'autorité parentale, voire de l'entourage familial et d'éventuels référents socio-éducatifs
    • compléter l'évaluation initiale, si nécessaire, par d'autres entretiens différés dont le délai d'organisation sera adapté au contexte clinique (en fonction du niveau d'urgence et de vulnérabilité estimés)
  • L'évolution de la crise suicidaire est à apprécier, notamment :
    • durée
    • évolution de l'intensité des idées suicidaires
    • existence de facteurs précipitants
  • Le niveau développemental de l'enfant ou de l'adolescent(e) est à évaluer, notamment les capacités de :
    • régulation émotionnelle
    • verbalisation
    • représentation de la mort

L'urgence suicidaire est la probabilité sur le court terme que la personne adopte une conduite suicidaire
tentative de suicide ou ensemble des comportements préparatoires au passage à l’acte
.
  • Un risque vital à court terme est recherché.
    • il est recommandé de ne jamais sous-estimer l'urgence suicidaire
    • apprécier le niveau de souffrance ou de douleur psychique
  • Caractériser les idées suicidaires :
    • actives
      ​penser à se suicider
      ou passives
      ​vouloir être mort sans penser à se suicider
    • intensité
    • fréquence
    • durée
    • contrôlabilité
  • Rechercher un scénario suicidaire (moyen, date et circonstances) et compléter par :
    • l'évaluation du degré d'élaboration du scénario, notamment :
      • précision dans le choix du moyen envisagé
      • précision et proximité de la date
      • anticipation des circonstances
    • l'évaluation de la dangerosité du scénario :
      • disponibilité et létalité du moyen envisagé
      • vraisemblance du scénario
  • Estimer le niveau d'intentionnalité suicidaire :
    • velléité de passage à l'acte
    • recherche ou non d'aide
    • attitude par rapport à des propositions de soins
    • projection dans l'avenir
  • Rechercher des facteurs dissuasifs du passage à l'acte, comme par exemple :
    • la famille
    • un animal de compagnie...

La vulnérabilité suicidaire est la probabilité sur le moyen et/ou le long terme que la personne adopte une conduite suicidaire
tentative de suicide ou ensemble des comportements préparatoires au passage à l’acte
.
  • Facteurs de risque :
    • personnels :
      • antécédent de tentative de suicide
      • recours aux blessures auto-infligées
      • trouble psychiatrique et/ou trouble lié à l'usage de substance psychoactive (dont alcool), trouble dépressif, TDAH, trouble du comportement
      • certaines caractéristiques psychoaffectives et comportementales : impulsivité, dysrégulation émotionnelle, insécurité d'attachement
      • trouble de santé physique ou maladie chronique
      • harcèlement par les pairs (notamment sur les réseaux sociaux)
      • toutes autres violences subies (psychologiques, physiques ou sexuelles)
      • populations à risque augmenté : LGBT, migrants, mineurs isolés, jeunes confiés à l'Aide sociale à l'enfance (ASE)
    • antécédents familiaux :
      • de tentative de suicide, de suicide
      • de troubles de santé mentale
    • difficultés d'ordre familial, notamment :
      • défaut de cohésion familiale
      • troubles relationnels parent-enfant
      • conflits intrafamiliaux
      • contexte de maltraitance par négligences ou violences
      • confrontation à la violence intrafamiliale
  • Facteurs de protection :
    • facteurs de protection familiaux :
      • cohésion familiale
      • qualité de la relation parent-enfant
      • investissement parental dans la dynamique d'apprentissage et le cursus scolaire
    • soutien social
    • spiritualité et croyances religieuses
    • stratégies de coping
      ​stratégies internes d'adaptation
      :
      • capacités de recherche d'aide
      • capacités de résolution de problème
      • investissement scolaire

  • Ne jamais négliger ou banaliser des propos suicidaires chez un enfant ou adolescent(e).
  • Orientation vers un service d'urgences pour tout enfant ou adolescent(e) ayant fait une tentative de suicide récente, quel que soit le niveau d'urgence suicidaire actuel (voir Figure
    1
    ).
Figure 1. Orientation en médecine générale d'un enfant ou d'un(e) adolescent(e) en crise suicidaire
Figure 1. Orientation en médecine générale d'un enfant ou d'un(e) adolescent(e) en crise suicidaire
  • En cas d'idées suicidaires sans tentative de suicide récente, la conduite à tenir est fonction de l'évaluation de l'urgence suicidaire :
    • élevée : orientation aux urgences
    • faible à moyenne : orientation vers une prise en charge ambulatoire de deuxième ligne, notamment :
      • CMPP
      • psychiatre libéral
      • selon le territoire, une Maison des Adolescents...
  • En dehors des situations d'urgence élevée, une réévaluation peut être reconduite à 2 ou 3 jours pour préciser le niveau d'urgence et de vulnérabilité :
    • demander à l'entourage que l'ensemble des moyens létaux soient retirés ou mis hors de portée
    • informer le patient et sa famille sur la conduite à tenir en cas d'aggravation de la crise suicidaire actuelle ou de nouvelle crise suicidaire
    • informer le patient et sa famille sur l'effet désinhibiteur de l'alcool et des autres substances
  • 3114 : en cas de doute, question : il est possible d'appeler le numéro national de prévention du suicide. Il constitue une ressource structurante pour guider l'orientation des enfants et des adolescents suicidaires et suicidants.

  • Dans les situations où le risque vital est engagé, la décision médicale d'hospitalisation peut être prise quel que soit l'avis de l'enfant ou de l'adolescent(e) mineur(e).
  • Si au moins un parent s'y oppose malgré les efforts du médecin pour le convaincre, la situation peut relever de la protection de l'enfance et peut justifier de la rédaction d'un signalement judiciaire au procureur de la République en vue d'une ordonnance de placement provisoire à l'hôpital (article R1112-35 du Code de la santé publique).

  • Si un(e) mineur(e) s'oppose à ce que ses parents (ou titulaires de l'autorité parentale ou tuteur) soient contactés :
    • s'efforcer d'obtenir le consentement du mineur pour contacter ses parents (article L1111-5 du Code de la santé publique)
  • Si le ou la mineur(e) maintient son opposition :
    • le clinicien peut mettre en œuvre l'intervention nécessaire à sauvegarder sa santé ou sa sécurité, notamment en termes d'orientation et de mise à l'abri
    • dans ce cas, le mineur se fait accompagner d'une personne majeure de son choix

  • Aux urgences, la décision d'hospitalisation ou de soins ambulatoires d'une crise suicidaire de l'enfant ou adolescent(e) relève d'un médecin dûment formé.
  • Voir le texte intégral sur le site de la HAS.

  • Il est recommandé de mettre en place un accompagnement et des soins précoces, structurés et coordonnés.
  • L'accompagnement peut prendre la forme d'un soutien professionnel psychothérapeutique ou psycho-éducatif ou d'une psychothérapie formalisée relevant de la TCC, de la thérapie systémique ou de la thérapie psychodynamique AE
    Gradation des recommandations HAS
    .
    • pour tout enfant ou adolescent(e) suicidant
      ​ayant déjà fait une tentative de suicide
      ou suicidaire, il est recommandé un traitement systématique de tout trouble psychiatrique sous-jacent C
      Gradation des recommandations HAS
      . Voir aussi :
    • pour améliorer l'adhésion à l'accompagnement et aux soins proposés AE
      Gradation des recommandations HAS
      :
      • proposer des rendez-vous précis, d'autant plus rapprochés que l'urgence et/ou la vulnérabilité suicidaires sont élevées
      • être souple dans l'organisation des rendez-vous en cas de crise
      • au besoin, rappeler à la famille et au patient les rendez-vous à venir
      • contacter le patient et si besoin ses parents lorsqu'un rendez-vous est manqué
      • porter une attention particulière à l'information du patient et de la famille, notamment en ce qui concerne l'organisation de l'accompagnement et des soins

  • Il est conseillé aux médecins généralistes d'avoir répertorié les acteurs de second recours présents sur le territoire : services d'urgences générales et spécialisées, CMP, CMPP, psychiatres libéraux, Maison des Adolescents.
  • Le numéro national de prévention du suicide est le 3114.