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Episode dépressif caractérisé de l'adulte : diagnostic et évaluation initiale
1/10/2017
Libre d'accès
Thème :

  • L'épisode dépressif caractérisé (EDC) est un diagnostic clinique, parfois porté :
    • par excès : troubles de l'adaptation, dépressions brèves récidivantes ou troubles dysthymiques où l'intensité des symptômes est moindre
    • ou par défaut : expressions somatiques fréquentes et symptômes variant selon les cultures et les croyances
  • Un épisode dépressif est caractérisé si :
    • il dure depuis au moins 2 semaines
    • il est accompagné de symptômes quasi-quotidiens perturbant la vie professionnelle et sociale
    • il provoque une détresse significative
  • L'objectif principal de la prise en charge est de prévenir le risque suicidaire et d'obtenir un impact positif sur les souffrances psychiques des patients.
  • Caractériser l'intensité d'un EDC (léger, modéré ou sévère) est recommandé pour adapter la prise en charge thérapeutique .

  • 1 personne sur 5 souffrira d'un EDC au cours de sa vie.
  • Selon l'OMS, en 2020, la dépression est l'affection qui entraîne les plus gros coûts de santé après les maladies cardio-vasculaires.
  • En 2030, le trouble dépressif majeur sera la première cause d'incapacité.
  • La dépression est le trouble mental le plus souvent associé au suicide.
  • 80 % des personnes qui mettent fin à leurs jours présentent plusieurs symptômes de dépression.

  • Le diagnostic de l'épisode dépressif caractérisé (EDC) est clinique.
  • La classification de référence est la CIM-10 de l'OMS.
  • Les symptômes (voir tableau 1) doivent :
    • être présents durant au moins 2 semaines, et chacun à un degré de sévérité certain, quasi quotidiennement
    • avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur (professionnel, social, familial)
    • induire une détresse significative
Tableau 1. Symptômes d'un épisode dépressif caractérisé selon la CIM-10
Symptômes principaux (au moins 2) Autres symptômes (au moins 2)
  • humeur dépressive
    vision pessimiste du monde et de soi-même​​
  • perte d'intérêt pour des activités habituellement agréables, abattement
  • perte d'énergie ou augmentation de la fatigabilité
  • diminution de l'aptitude à penser ou à se concentrer
  • diminution de l'estime de soi et de la confiance en soi
  • sentiment de culpabilité (injustifié, excessive ou inapproprié)
  • perspectives négatives et pessimistes pour le futur
  • idées et comportement suicidaires
  • modification de l'activité psychomotrice (agitation ou ralentissement)
  • troubles du sommeil
  • modification de l'appétit ou du poids
  • Un EDC peut se manifester par d'autres symptômes :
    • manifestations somatiques (ex. : algies et plaintes fonctionnelles diverses et répétées)
    • troubles de la sexualité
    • certains symptômes peuvent avoir une expression différente selon les cultures et les croyances
  • Des outils standardisés d'aide au diagnostic et/ou d'évaluation de la sévérité existent. Pour certains patients l'appropriation du diagnostic de dépression peut être aidée par l'utilisation d'un auto-questionnaire.
    • BDI-II, PHQ-2, PHQ-9, GDS-15, HADS
    • le BDI-II et l'échelle d'Hamilton sont des tests inscrits à la classification commune des actes médicaux (CCAM). (L'échelle d'Hamilton a été conçue pour évaluer uniquement la sévérité ou l'évolution d'un EDC établi)

  • Les diagnostics différentiels d'un épisode dépressif caractérisé sont :
    • d'autres troubles psychiatriques dont :
      • le trouble bipolaire
      • le trouble dépressif persistant (ex. : dysthymie) ou récurrent (ex. : épisode dépressif saisonnier), le trouble dépressif non spécifié
      • les troubles de l'adaptation
      • les troubles anxieux (par exemple : trouble anxieux généralisé, état de stress post-traumatique)
      • les troubles schizophréniques (dont le trouble schizo-affectif, le trouble schizophréniforme), les troubles délirants
      • les troubles somatoformes
      • les troubles de conduite alimentaire
      • les troubles de la personnalité
    • l'usage, l'abus, la dépendance, le sevrage :
      • de certains médicaments, ainsi que la polymédication chez le sujet âgé
      • de substances psychoactives, incluant le sevrage du tabac
      • Les abus et la dépendance aux substances psychoactives peuvent être également une comorbidité
    • d'autres maladies somatiques, notamment : hypothyroïdie, maladies neurodégénératives

  • L'évaluation initiale de l'EDC nécessite un entretien clinique évaluant :
    • les antécédents personnels et familiaux
    • les symptômes actuels
    • les facteurs de risques psycho-sociaux
    • les ressources et soutiens disponibles
  • Il est recommandé de réaliser un examen clinique pour rechercher l'existence d'une maladie associée, de prise de substances ou de médicaments et d'effectuer les tests de laboratoire éventuels selon les indications de cet examen.

  • Pour adapter la prise en charge thérapeutique, il est recommandé de qualifier l'intensité (ou sévérité) d'un EDC, selon les critères diagnostiques de la CIM-10 qui propose 3 niveaux : léger, modéré ou sévère.
Tableau 2. Niveaux d'intensité d'un épisode dépressif caractérisé (selon CIM-10)
Intensité de l'EDC Nombres de symptômes dépressifs Retentissement sur le mode de fonctionnement du patient
Léger 2 symptômes principaux
+ 2 autres symptômes (tableau 1)
Retentissement léger sur le fonctionnement.
Quelques difficultés à poursuivre les activités ordinaires et les activités sociales, mais celles-ci peuvent être réalisées avec un effort supplémentaire
Modéré 2 symptômes principaux
+ 3 à 4 autres symptômes
(tableau 1)
Le dysfonctionnement pour les activités se situe entre ceux précisés pour l'épisode léger et l'épisode sévère
Sévère 3 symptômes principaux
+ 4 autres symptômes
(tableau 1)
Nette perturbation des activités professionnelles, des activités sociales courantes ou des relations avec les autres.
  • Un épisode dépressif caractérisé, d'autant plus s'il est sévère, peut comporter :
    • des idées suicidaires (planifications, intentions ou tentative)
    • des symptômes psychotiques (hallucination, délire) qui sont plus fréquemment congruents à l'humeur
    • une incapacité à maintenir les activités quotidiennes : hygiène corporelle, alimentation, etc.

  • Le risque suicidaire est majeur dans les épisodes dépressifs caractérisés et plus élevé chez les personnes âgées.
  • Il est à évaluer lors du bilan initial et à réévaluer régulièrement.
  • Questionner le patient sur ses pensées suicidaires, avec tact dans un climat de confiance. Ce questionnement ne renforce pas le risque suicidaire.

Facteurs de risque suicidaire

  • Rechercher les facteurs de risque suicidaires (Figure
    1
    ) et la présence de facteurs de protection (raisons positives de vivre, soutien social fort).
Figure 1. Facteurs de risque suicidaire
Figure 1. Facteurs de risque suicidaire

Evaluation des idées et des intentions suicidaires

  • Evaluer :
    • le début, la durée, l'intensité, la fréquence de ces idées suicidaires
    • l'imminence du passage à l'acte
    • les comportements préparatoires à la concrétisation du passage à l'acte et de ses conséquences
    • la recherche et l'accès à des moyens létaux
  • Exemples de questions à poser pour évaluer l'intention suicidaire :
    • Avez-vous déjà pensé à vous faire du mal ?
      Si oui, de quelle façon ?
    • Pensez-vous que votre vie ne vaut pas la peine d'être vécue ?
    • Souhaiteriez-vous être mort ?
    • Avez-vous déjà pensé à mourir ?
    • Avez-vous fait des plans pour mettre fin à vos jours ?
    • Avez-vous à votre disposition les moyens pour faire cela ?
    • Qu'est-ce qui vous retient de mettre en œuvre ces pensées ?

Evaluation du degré d'urgence suicidaire

Tableau 3. Evaluation du degré d'urgence de la crise suicidaire
Risque suicidaire Description du patient en crise
Faible
  • est dans une relation de confiance établie avec le praticien
  • désire parler et est à la recherche de communication
  • cherche des solutions à ses problèmes
  • pense au suicide sans scénario suicidaire précis
  • pense encore à des moyens et à des stratégies pour faire face à la crise
  • n'est pas anormalement troublé, mais psychologiquement souffrant
Modéré
  • envisage le suicide et son intention est claire
  • a envisagé un scénario suicidaire, mais dont l'exécution est reportée
  • ne voit de recours autre que le suicide pour cesser de souffrir
  • présente un équilibre émotionnel fragile
  • a besoin d'aide et exprime directement ou indirectement son désarroi
  • est isolé
Elevé
  • est décidé : sa planification est claire et le passage à l'acte est prévu pour les jours qui viennent
  • est coupé de ses émotions : il rationalise sa décision ou est très émotif, agité, troublé
  • se sent complètement immobilisé ou dans un état de grande agitation
  • a une douleur et une expression de la souffrance omniprésentes ou complètement tues
  • a un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider
  • a le sentiment d'avoir tout fait et tout essayé
  • est très isolé

  • Personnes âgées :
    • diagnostic souvent difficile
    • plaintes somatiques ou troubles cognitifs au premier plan
    • un EDC peut inaugurer ou être secondaire à une maladie neuro-dégénérative
  • Personnes en deuil :
    • le deuil n'est pas considéré comme un EDC
    • cependant la souffrance liée à la perte peut se compliquer d'un EDC et comporter alors un risque suicidaire
  • Femmes enceintes ou en post-partum :
    • distinguer le « baby blues » et la dépression post-partum
    • il est recommandé de rechercher un EDC chez toute personne en position parentale
  • Adolescents :