Loading...
Accueil Résultats de la recherche Trouble bipolaire chez l'adulte : repérage et prise en charge initiale
has0042f
Guides de pratique clinique
Trouble bipolaire chez l'adulte : repérage et prise en charge initiale
18/03/2021
Libre d'accès
Thème :

  • Rechercher un trouble bipolaire devant :
    • tout épisode dépressif
    • certaines pathologies psychiatriques (addictions, trouble des conduites, troubles anxieux)
    • tout passage à l'acte suicidaire chez un adolescent ou un adulte jeune
  • Pour le diagnostic, la rupture avec le fonctionnement psychique antérieur et le caractère épisodique des troubles sont deux notions importantes.
  • L'évaluation du risque suicidaire est primordiale.
  • Le patient pour lequel un diagnostic de trouble bipolaire est envisagé doit être adressé à un psychiatre.
  • La prise en charge thérapeutique d'un trouble bipolaire diffère d'un épisode dépressif caractérisé isolé.
  • Envisager l'hospitalisation pour les patients présentant un épisode maniaque ou mixte ou pour tout épisode présentant des critères de sévérité.

  • Le trouble bipolaire débute majoritairement chez l'adolescent et l'adulte jeune.
  • Il s'écoule en moyenne 10 ans entre le début de la maladie et l'instauration d'un traitement adapté. En l'absence d'un épisode maniaque ou hypomaniaque caractérisé, le diagnostic du trouble bipolaire est complexe.
  • Le trouble bipolaire est l'une des pathologies psychiatriques les plus sévères, conduisant le plus fréquemment aux tentatives de suicide, avec de nombreuses comorbidités :
    • 1 patient sur 2 fera au moins une tentative de suicide dans sa vie
    • au moins 1 patient sur 10 non traité décèdera par suicide (15 %)
  • Une prise en charge précoce permet d'améliorer le pronostic lié au risque suicidaire et aux conséquences psychosociales pouvant conduire au statut reconnu de handicap psychique.

  • Le trouble bipolaire est un trouble de l'humeur alternant :
  • Le diagnostic est avant tout clinique :
    • il nécessite souvent plusieurs évaluations successives
    • la rupture avec le fonctionnement psychique antérieur et le caractère épisodique des troubles sont deux notions importantes
    • il est recommandé d'utiliser les classifications DSM-V ou CIM-10
  • En cas de suspicion de trouble bipolaire, une collaboration étroite avec le psychiatre est recommandée afin d'établir un diagnostic précoce et mettre en place une prise en charge thérapeutique adaptée.

  • Un épisode maniaque est principalement caractérisé par :
    • une élévation de l'humeur, une agitation psychomotrice, des idées de grandeur, des insomnies
    • durant plus d'une semaine
    • entrainant un retentissement fonctionnel majeur. C'est une urgence psychiatrique.
  • L'hypomanie correspond à une symptomatologie moins apparente que la manie : les épisodes sont souvent de durée brève, avec moins de répercussions fonctionnelles, professionnelles et sociales, et passent souvent inaperçus.
  • Episode dépressif caractérisé : voir
  • Les « épisodes mixtes
    Le sujet a eu, dans le passé, au moins un épisode hypomaniaque, maniaque, dépressif ou mixte bien documenté, et l’épisode actuel est caractérisé soit par la présence simultanée de symptômes maniaques et dépressifs, soit par une alternance rapide de symptômes maniaques et dépressifs (CIM-10).
    » correspondent à la coexistence de symptômes dépressifs et de symptômes de manie, ils font partie du trouble bipolaire. Ce diagnostic est difficile.

Figure 1. Algorithme diagnostique d'un trouble bipolaire
Figure 1. Algorithme diagnostique d'un trouble bipolaire

Episode maniaque inaugural

  • Un épisode maniaque inaugural permet de poser le diagnostic de trouble bipolaire.
  • C'est une urgence psychiatrique nécessitant une hospitalisation.

Episode dépressif caractérisé

Devant tout épisode dépressif caractérisé (EDC), rechercher des arguments en faveur d'un trouble bipolaire.
  • 1ère étape : l'association avec un antécédent connu d'au moins un épisode de manie (trouble bipolaire de type I) ou d'hypomanie (trouble bipolaire de type II) permet de poser le diagnostic de trouble bipolaire.
  • 2ème étape : en l'absence d'antécédent connu, rechercher des épisodes non connus d'hypomanies. Le diagnostic est plus difficile :
    • il est conseillé d'utiliser lequestionnaire « Trouble de l'humeur » (Mood Disorder Questionnaire), outil d'aide au repérage en premier recours des hypomanies (non recommandé chez l'adolescent)
    • la rupture avec le fonctionnement psychique antérieur est une notion importante pour le diagnostic
    • le recours aux informations auprès des proches avec l'accord du patient adulte est indispensable pour rechercher les antécédents d'hypomanie et caractériser les symptômes
  • 3ème étape : rechercher des indicateurs de bipolarité (tableau 1 )
    • la présence d'indicateurs de bipolarité permet de suspecter une évolution possible vers une bipolarité et nécessite un avis psychiatrique
    • l'absence d'indicateurs nécessite une surveillance attentive
Tableau 1. Indicateurs de bipolarité
Indicateurs de bipolarité en premier lieu - Antécédents (passés ou en cours) :
  • dépression précoce avant 25 ans
  • antécédents d'épisodes dépressifs et multiples (≥ 3)
  • antécédents familiaux connus de trouble bipolaire
- Caractéristiques de l'épisode dépressif :
  • survenue dans le post-partum (avec ou sans caractéristiques psychotiques)
  • caractéristiques atypiques : hyperphagie, hypersomnie
  • caractéristiques psychotiques congruentes avec l'humeur
- Réponse à un traitement antidépresseur :
  • atypique : non-réponse, aggravation, apparition d'une agitation, apparition de notion d'hypomanie même brève
  • épisode de manie ou de virage maniaque (permet un diagnostic de trouble bipolaire)
Indicateurs de bipolarité en deuxième lieu - Certaines particularités de l'épisode dépressif :
  • agitation, hyperréactivité émotionnelle, irritabilité
  • avec des débuts et des fins abrupts
Episodes mixtes :
  • le diagnostic est difficile et le risque suicidaire est majeur
  • il requiert l'avis en urgence d'un psychiatre

Post-partum

Un épisode dépressif ou une psychose puerpérale peuvent être l'épisode inaugural d'un trouble bipolaire débutant dans le post-partum.

Addictions

Devant une addiction (alcool, toxicomanie, etc.), il est recommandé de rechercher un éventuel trouble bipolaire (de même devant des conduites délictueuses).

  • Pathologies somatiques(notamment chez les plus de 40 ans) :
    • maladies endocriniennes et métaboliques (dysthyroïdie, hypoglycémie...)
    • infectieuses (méningoencéphalite, etc.)
    • neurologiques (épilepsie, démence)
    • auto-immunes (lupus, etc.)
  • Certains médicaments peuvent induire un épisode thymique (état maniaque ou dépressif) :
    • corticoïdes
    • antidépresseurs
    • interféron alpha
    • certains antipaludéens
    • méthylphénidate
  • Substances psychoactives : l'abus, la dépendance, le sevrage peuvent induire des symptômes thymiques (maniaques ou dépressifs) :
    • alcool
    • cannabis
    • psychostimulants (ecstasy, amphétamines et cocaïne)
    • concernant les abus et dépendances, il peut s'agir à la fois d'un diagnostic différentiel ou d'une comorbidité
  • Autres pathologies psychiatriques :
    • autres troubles de l'humeur (trouble unipolaire, trouble cyclothymique
      Instabilité persistante de l'humeur, comportant de nombreuses périodes de dépression ou d'exaltation légère (hypomanie), mais dont aucune n'est suffisamment sévère ou prolongée pour justifier un diagnostic de trouble affectif bipolaire (F31.-) ou de trouble dépressif récurrent (F33.-) (CIM-10)
      )
    • troubles de la personnalité ( troubles borderline
      ​trouble de la personnalité qui se caractérise par sa permanence, alors qu'il existe des intervalles libres dans les troubles bipolaires. Les troubles de la personnalité borderline sont entre autres caractérisés par des fluctuations rapides de l'humeur (selon la définition de la classification CIM-10)

      Guide de pratique clinique

      Trouble de la personnalité borderline

      )
    • troubles schizophréniques

      Guide de pratique clinique

      Schizophrénie

      (schizophrénie dysthymique ou trouble schizoaffectif
      Trouble épisodique dans lequel des symptômes affectifs (maniaques, dépressifs) et des symptômes schizophréniques sont conjointement au premier plan de la symptomatologie mais ne justifient pas un diagnostic de schizophrénie ni d’épisode dépressif ou maniaque (CIM-10)​​
      , autres troubles délirants)

Anamnèse et examen clinique

  • Recueillir :
    • les antécédents familiaux psychiatriques (trouble bipolaire, suicide, etc.)
    • les antécédents du patient dont les troubles de l'humeur durant la grossesse, les tentatives de suicide, des événements traumatisants (deuil parental précoce, maltraitance)
  • Effectuer la revue de tous les épisodes précédents et évaluer les symptômes présents entre les épisodes
  • Rechercher les facteurs déclenchants : événements de vie positifs ou négatifs (promotion, déménagement, divorce), facteurs de stress psychosociaux
  • Evaluer la prise d'alcool ou de substances psychoactives illicites
  • Rechercher les comorbidités anxieuses
  • Evaluer le fonctionnement socioprofessionnel, scolaire, personnel et familial. Obtenir, si possible et dans les limites de la confidentialité, la confirmation des antécédents par l'un des membres de la famille ou des proches. Il est recommandé d'échanger avec les autres professionnels de santé.
  • Rechercher des signes de sévérité et évaluer le risque suicidaire.

Evaluation de la sévérité du trouble bipolaire

Rechercher les signes de sévérité avec l'aide de l'entourage du patient (tableau 2).
Tableau 2. Signes de sévérité d'un trouble bipolaire
Episode dépressif Episode maniaque Signes communs
- Symptômes psychotiques* : délires (idées de ruine, persécution), hallucinations visuelles ou auditives
- Caractéristiques mélancoliques : incurabilité, indignité, culpabilité pouvant être d'intensité délirante, douleur morale (état de détresse associée à une souffrance profonde)
- Idées et projets suicidaires
- Symptômes psychotiques * : délires (mégalomanie, persécution), hallucinations visuelles ou auditives
- Sévérité de l'agitation psychomotrice et de l'hétéroagressivité
- Sévérité des conduites à risque (achats inconsidérés, conduites sexuelles à risque, actes délictueux, etc.)
- Intoxication ou sevrage en alcool ou drogues
- Retentissement somatique (dénutrition, déshydratation, incurie)
- Sévérité des troubles du sommeil
- Sévérité d'une éventuelle confusion
- Symptômes catatoniques (exemple : immobilité motrice)
* La présence simultanée de symptômes thymiques et psychotiques est fréquente, les symptômes psychotiques sont généralement congruents à l'humeur.

  • Les troubles bipolaires sont une pathologie hautement suicidogène.
  • Informer le patient sur les ressources disponibles en cas de crise suicidaire (Fiche info Patient).

Evaluer les facteurs du risque suicidaire

  • Rechercher les facteurs de risque suicidaires (Figure
    2
    ) et la présence de facteurs de protection (raisons positives de vivre, soutien social fort).
  • Facteurs de risque suicidaire spécifiques du trouble bipolaire :
    • présence d'une survenue précoce de la maladie, de caractéristiques mixtes, de cycles rapides
    • présence de symptômes psychotiques
    • présence d'une addiction à l'alcool, aux substances illicites ou à d'autres substances psychoactives
Figure 2. Facteurs de risque suicidaires
Figure 2. Facteurs de risque suicidaires

Evaluer les idées et intentions suicidaires

Rechercher la présence d'intentions, de projets et de planifications suicidaires ; de moyens à disposition pour se suicider (médicaments, armes à feu, etc.).

Evaluer le degré d'urgence de la crise suicidaire

Tableau 3. Degré de risque suicidaire
  Le patient en crise...
Risque suicidaire faible - est dans une relation de confiance établie avec le praticien
- désire parler et est à la recherche de communication
- cherche des solutions à ses problèmes
- pense au suicide sans scénario suicidaire précis
- pense encore à des moyens et stratégies pour faire face à la crise
- n'est pas anormalement troublé, mais psychologiquement souffrant
Risque suicidaire modéré - envisage le suicide et son intention est claire
- a envisagé un scénario suicidaire, mais dont l'exécution est reportée
- ne voit de recours autre que le suicide pour cesser de souffrir
- présente un équilibre émotionnel fragile
- a besoin d'aide et exprime directement ou indirectement son désarroi
- est isolé
Risque suicidaire élevé (urgence) - est décidé : sa planification est claire et le passage à l'acte est prévu pour les jours qui viennent
- est coupé de ses émotions : il rationalise sa décision ou est très émotif, agité, troublé
- se sent complètement immobilisé ou dans un état de grande agitation
- a une douleur et une expression de la souffrance omniprésentes ou complètement tues
- a un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider
- a le sentiment d'avoir tout fait et tout essayé
- est très isolé

  • Privilégier l'hospitalisation libre en psychiatrie. Parfois la non-reconnaissance du caractère pathologique des troubles par le patient et de leur gravité peut amener à des soins sous contrainte.
  • Envisager l'hospitalisation devant :
    • un risque suicidaire modéré à élevé (tableau3)
    • un épisode maniaque ou mixte
      ​​​Le sujet a eu, dans le passé, au moins un épisode hypomaniaque, maniaque, dépressif ou mixte bien documenté, et l’épisode actuel est caractérisé soit par la présence simultanée de symptômes maniaques et dépressifs, soit par une alternance rapide de symptômes maniaques et dépressifs. À l’exclusion de l’épisode affectif mixte isolé (F38.0) (CIM-10).​​​


    • une agitation violente, des troubles du comportement majeurs
    • des critères de sévérité de l'épisode dépressif (tableau2)
    • des complications médico-légales d'un épisode thymique
    • un isolement social et familial, un épuisement des proches

  • En cas de suspicion de trouble bipolaire, adresser à un psychiatre.
  • L'accord et l'adhésion du patient doivent être recherchés dans la mesure du possible.
  • Une collaboration multidisciplinaire étroite (psychiatre, médecin traitant, médecin du travail) est indispensable.
  • Pour en savoir plus (traitement, suivi), voir le guide ALD Troubles bipolaires.

Auteurs de la synthèse : Rambaud, Claire; Tangtakoun, Annie; Vergès, Yohann