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Guides de pratique clinique
Maltraitance sexuelle intra-familiale : repérage et conduite à tenir
24/02/2021
Libre d'accès

  • La prévalence de la maltraitance sexuelle en Europe est estimée à 13,4 % pour les filles, et 5,7 % pour les garçons (mais elle est probablement sous-estimée).
  • La maltraitance sexuelle intra-familiale est difficile à repérer du fait :
    • de menaces de représailles de la part de l'auteur de la maltraitance
    • de la présence fréquente d'un membre de la famille témoin ou auteur de l'inceste lors de la consultation
    • de la fréquente absence de signes physiques
  • En cas de présomption de maltraitance sexuelle et contact permanent ou fréquent avec l'agresseur :
  • En cas d'agression sexuelle < 72 h : adresser l'enfant en urgence à un médecin légiste ou un médecin hospitalier pour examen clinique et prélèvements.

  • La maltraitance sexuelle envers un mineur (< 18 ans) est définie par le fait de forcer ou d'inciter ce dernier à prendre part à une activité sexuelle avec ou sans contact physique, et/ou à l'exploiter sexuellement.
  • Les activités sexuelles ne se limitent pas aux actes sexuels avec pénétration caractérisée. Elles comprennent toutes les formes de violences sexuelles ou d'incitations avec emprise psychologique. Par exemple, imposer à un mineur :
    • de regarder ou de participer à des photographies ou des vidéos à caractère pornographique
    • d'observer des relations sexuelles
    • de se prostituer
  • Les activités sexuelles avec contact physique, incluent :
    • les actes avec pénétration orale, anale ou génitale par un sexe mais aussi par un doigt ou au moyen d'un objet
    • les actes sans pénétration (attouchements), avec ou sans violence, contrainte, menace ou surprise

  • La possibilité d'une maltraitance sexuelle intrafamiliale est à envisager :
    • quels que soient le niveau socio-économique de la famille
    • quels que soient l'âge et le sexe du mineur
    • quels que soient le sexe et l'âge de l'auteur présumé : la maltraitance sexuelle peut être commise par des femmes, mais elle reste méconnue ; l'agresseur peut être mineur, parfois même plus jeune que la victime
  • Les circonstances suivantes (d'autant plus qu'elles sont associées entre elles) sont à risque, mais aucune n'est spécifique ni obligatoire :
    • un mode de fonctionnement familial replié sur lui-même
    • l'absence de repère familial ou une rupture d'équilibre au sein de la famille
    • un climat familial équivoque (insuffisance de limites et d'interdits, érotisation des relations parents/enfants, etc.)
    • la coexistence ou antécédents de violence intrafamiliale, par ex. violence conjugale, maltraitance physique, psychologique, carence ou négligence
    • ses conduites addictives (alcoolisme, toxicomanie) ou une pathologie mentale pouvant favoriser un passage à l'acte de l'agresseur

  • Les faits évoqués peuvent être actuels, ou anciens et révélés alors qu'ils sont terminés.
  • Une attention particulière doit être portée à l'attitude, semblant parfois contradictoire, qui accompagne les propos du mineur. Cette attitude est à interpréter avec prudence et bienveillance :
    • le regard du mineur peut être fuyant
    • quelques bribes d'éléments significatifs peuvent être données au milieu d'une conversation ayant trait à un autre sujet
    • les faits peuvent être banalisés
    • l'attitude peut être provocante, agitée, en opposition permanente avec l'interlocuteur tout en se confiant et en demandant de l'aide
    • le dévoilement est parfois fluctuant (le mineur peut se rétracter ou varier dans ses propos)
  • Tenir compte de l'âge du mineur et de ses capacités de verbalisation : le plus souvent les paroles des tout petits correspondent à ce qu'ils ont vécu, et les propos d'un mineur porteur d'un handicap mental peuvent être difficiles à déchiffrer.
  • Chez les adolescents le dévoilement peut prendre la forme d'une lettre, d'un journal intime.

  • Aucun des signes d'appel rapportés ci-dessous n'est caractéristique d'une maltraitance sexuelle.
  • Ces signes sont d'autant plus évocateurs lorsqu'ils s'associent entre eux, se répètent, s'inscrivent dans la durée, ne trouvent pas d'explications rationnelles.

Signes généraux

  • Troubles du comportement alimentaire, troubles du sommeil, difficultés scolaires ou surinvestissement scolaire, signes somatiques et fonctionnels (douleurs abdominales isolées, céphalées, etc.).
  • Des signes de négligence ou de maltraitance physique ou psychologique vis-à-vis du mineur peuvent aussi faire penser à une possible maltraitance sexuelle associée

    Guide de pratique clinique

    Maltraitance chez l'enfant : repérage

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Signes au niveau de la sphère génito-anale

  • Certains sont évocateurs surtout s'ils sont observés chez l'enfant prépubère, si aucune cause médicale n'est retrouvée, s'ils sont répétés.
  • Ces signes sont :
    • les saignements, pertes, irritations ou prurits génitaux
    • les douleurs génitales ou anales
    • les troubles mictionnels, les infections urinaires récurrentes chez la fille prépubère

Troubles du comportement du mineur

Au niveau sexuel

Chez l'enfant prépubère Chez l'adolescent(e)
« Hypersexualisation » précoce, non adaptée à l'âge, avec :
  • gestes sexuels inappropriés
  • contacts sexuels imposés et répétés à l'encontre d'autres enfants et/ou d'adultes
  • comportements auto-érotiques compulsifs et exhibés
  • propos crus, vocabulaire concernant la sexualité non adapté à l'âge
Refus s'exprimant au niveau corporel :
  • refus de prendre soin de son corps, de se laver ou au contraire lavages obsessionnels et compulsifs
  • refus d'être touché, de se déshabiller (phobie de la nudité, pudeur excessive) ou un déni du corps
  • Demande précoce de contraception
  • Changements fréquents de partenaires
  • Prostitution
  • Grossesse précoces, déni de grossesse ou grossesse générant des angoisses particulièrement intenses
  • Interruption volontaire de grossesse (IVG) isolée ou à répétition

Au niveau relationnel

  • Peur des autres, sentiment d'isolement, repli sur soi, comportement introverti excessif, mutisme
  • Recherche excessive de contact physique et d'affection
  • Comportement théâtral et provoquant pour attirer l'attention
  • Comportements émotionnels excessifs, répétés et/ou disproportionnés et non adaptés à l'âge du mineur ou non expliqués
  • Comportement violent et agressif envers les autres
  • Attitude d'opposition excessive aux règles ou au contraire impossibilité de dire non
  • Tendance à se sentir agressé par ses pairs à l'école
  • Refus (refus de voir un membre de la famille sans raison exprimée, refus de grandir, etc.)

Au niveau scolaire et intellectuel

  • Chute des résultats scolaires, refus ou phobie scolaire ou surinvestissement scolaire
  • Régression intellectuelle, arrêt ou retard de maturation soudain, inhibition intellectuelle...

Conduites à risque

  • Tentative de suicide ; automutilation dont les scarifications
  • Fugues, conduites à risque, conduites d'addictions précoces : tabagisme, alcoolisation et/ou toxicomanie, comportement alimentaire compulsif

Comportement de l'entourage

Être attentif au comportement de l'adulte vis-à-vis du mineur, vis-à-vis du professionnel ainsi qu'à l'attitude des adultes entre eux

Guide de pratique clinique

Maltraitance chez l'enfant : repérage

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  • Procéder à un examen physique et psychique.
  • L'absence de signe ne permet pas d'éliminer une agression à caractère sexuel même dans les cas où les données de l'examen ne sont pas précisément corrélées aux dires du mineur.
  • Protéger l'enfant.

Anamnèse

Examen physique

Indication d'un examen en urgence à l'hôpital

  • Agression < 72 heures (surtout si notion de pénétration) : examen par un médecin légiste ou un médecin hospitalier pour rechercher des lésions récentes et faire des prélèvements
    • Préciser au mineur de ne pas faire de toilette après l'agression et d'apporter les vêtements qu'il portait lors de l'agression dans un sac en papier (exclure les sacs en plastique qui favorisent la prolifération microbienne).
  • Signes somatiques ou psychiques sévères (lésions chirurgicales, perturbation psychologique aiguë, etc.)

Modalités

  • Si l'agression a eu lieu plus de 72h avant la consultation, l'examen physique n'est pas une urgence. Si les conditions de la consultation ou l'attitude du mineur ne se prêtent pas à un examen immédiat, celui-ci peut être programmé (dans les jours suivants), par un praticien expérimenté.
  • Avant d'entreprendre cet examen physique, il est recommandé :
    • de l'expliquer au mineur, de le rassurer et de s'assurer de son acceptation, afin d'établir une relation de confiance avec lui
    • de le mener en présence d'une personne de confiance si possible et avec l'accord du mineur (chez l'adolescent il est recommandé de lui laisser le choix d'avoir quelqu'un auprès de lui ou pas)
  • Préciser au mineur qu'un examen physique normal ne remet pas en cause ce qui a pu se passer ou être dévoilé.
  • Toutes les données recueillies au cours de l'examen clinique doivent être consignées dans le dossier du patient.

Examen général

  • Procéder à un examen clinique complet
  • Paramètres de croissance et de développement sexuel
  • Examen cutanéo-muqueux rigoureux : recherche de traces de violence sur l'ensemble du corps et surtout au niveau de la face interne des cuisses et de la poitrine, ainsi que des zones d'appui et de contention (cou, poignets, chevilles)
  • Examen de la cavité buccale : recherche de lésions dentaires et muqueuses, examen du frein de la langue

Examen génital et anal

  • L'examen génital et anal est à faire si le médecin le juge utile et s'il dispose des compétences et des moyens adaptés pour le réaliser.
  • Si besoin, demander un avis spécialisé (gynécologue, pédiatre, médecin légiste...) s'il peut être obtenu rapidement, les signes physiques disparaissant très vite.
  • Il est recommandé de ne pas utiliser un spéculum ni de faire un examen digital chez le mineur prépubère.

Examen psychique

Rechercher :
  • Un syndrome psychotraumatique :
    • des signes d'intrusion des traumatismes (cauchemars à répétition, images répétitives des agressions en flashback spontané ou provoqué par des événements...)
    • des comportements d'évitement (des pensées, des activités, des lieux liés aux agressions, sentiment de détachement et/ou de restriction des affects...)
    • des symptômes neurovégétatifs : troubles du sommeil, hypervigilance, réactions de sursaut spontané, irritabilité, accès de colère, troubles de la concentration...
  • Un état dépressif (voir Episode dépressif caractérisé à l'adolescence)
  • Une altération du développement intellectuel et affectif du mineur

En cas de forte présomption de maltraitance sexuelle et contact permanent ou fréquent avec l'agresseur : assurer la protection immédiate de l'enfant en danger (signalement avec ou sans hospitalisation).