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ebm00122
2021/01
2021/06
Guides de pratique clinique
Adapté au contexte français par l’équipe éditoriale
Pneumonie
13/06/2021
Libre d'accès

  • L'agent pathogène causal le plus souvent responsable de la pneumonie d'origine communautaire est Streptococcus pneumoniae, suivi par Mycoplasma pneumoniae, Chlamydiae pneumoniae et Haemophilus influenzae.
  • La présentation clinique seule ne permet pas d'identifier l'organisme causal.
  • Chez 30–35 % des patients, on peut détecter une infection virale à l'aide d'un test des acides nucléiques. Dans ces cas, la maladie est généralement une infection mixte.
  • L'étiologie microbienne dépend essentiellement du lieu où le patient a contracté l'infection (au sein ou en dehors de l'hôpital) et de la présence de facteurs étiologiques prédisposants, par ex. la possibilité d'une fausse route, une maladie pulmonaire chronique, un traitement immunosuppresseur ou une chirurgie récente.

  • Les signes et symptômes usuels d'une infection aiguë des voies aériennes inférieures sont
    • toux
    • expectorations purulentes
    • fièvre (souvent supérieure à 38,0° C ; elle peut parfois être absente chez les patients plus âgés)
    • dyspnée
    • respiration sifflante
    • douleur thoracique.
  • Suspecter la pneumonie si, outre les symptômes mentionnés ci-dessus,
    • la maladie affecte l'état général du patient
    • les symptômes sont apparus rapidement
    • les symptômes d'infection des voies respiratoires se sont encore aggravés
    • le patient présente des facteurs de risque additionnels (âge, affections sous-jacentes).
  • Chez la personne âgée, confusion, symptômes abdominaux, altération de l'état général ou aggravation d'une maladie sous-jacente peuvent être les symptômes prédominants. La fièvre est absente chez un tiers des patients de plus de 65 ans atteints de pneumonie.
  • L'auscultation révèle généralement des râles fins ou des crépitants, mais l'auscultation peut aussi être normale (dans un tiers des cas).

  • La pneumonie est probable et le traitement antibiotique doit être instauré si les signes cliniques sont évidents (CRP > 100 mg/l, saturation en oxygène ≤ 96 %, taux de respiration ≥ 16/min).

Radiographie thoracique

  • Le diagnostic définitif de pneumonie repose sur la radiographie du thorax. En cas de suspicion de pneumonie, la radiographie thoracique est indiquée, à condition que l'examen soit réalisable dans de bonnes conditions. On obtient en même temps des indications concernant une autre maladie pulmonaire éventuelle.
  • L'absence d'infiltrats n'exclut pas la pneumonie si le tableau clinique et les résultats d'analyses biologiques sont évocateurs.

Analyses biologiques

  • Une CRP > 100 mg/l est fortement évocatrice de pneumonie. Si la CRP est < 20 mg/l et que le patient ne présente aucun symptôme, ni signe clinique de pneumonie, le diagnostic est peu probable A
    CRP concentration is useful for diagnosis of lower respiratory infections.
    .
    • Garder à l'esprit que la pneumonie à pneumocoques peut se développer très rapidement et que la CRP peut ne pas encore avoir augmenté à un stade très précoce de la maladie. Si les symptômes durent depuis moins de 24 heures, la CRP ne constitue pas un indicateur fiable.
  • Si l'état général du patient est mauvais, contrôler le potassium, le sodium et la créatinine, ainsi que la saturation en oxygène (ou la gazométrie sanguine si c'est possible).
  • En cas de suspicion de pneumonie chez le patient âgé, un ECG et une culture d’urine sont souvent nécessaires au diagnostic différentiel.

Autres tests

  • Les maladies à envisager dans le diagnostic différentiel de la pneumonie sont présentées dans le tableau 1.
Tableau 1. Maladies à envisager dans le diagnostic différentiel de la pneumonie
Fréquentes
Bronchite aiguë

Guide de pratique clinique

Bronchite aiguë

Exacerbation de BPCO
Insuffisance cardiaque
Anciens changements visibles à la radiographie thoracique et interprétés à tort comme une infection récente (il est important de comparer avec les clichés antérieurs)
Plus rares
Tumeur

Guide de pratique clinique

Cancer du poumon

Tuberculose pulmonaire

Guide de pratique clinique

Diagnostic de la tuberculose

Pneumonie d'hypersensibilité

Guide de pratique clinique

Alvéolite allergique

Pneumonie à éosinophiles

Guide de pratique clinique

Pneumopathie à éosinophiles

Réaction aux médicaments
Sarcoïdose

Guide de pratique clinique

Sarcoïdose

Atélectasie
Infarctus pulmonaire
Lésion pulmonaire induite par la ventilation mécanique
Pneumonie organisée cryptogénique
Fibrose pulmonaire

Guide de pratique clinique

Fibrose pulmonaire idiopathique

Guide de pratique clinique

Maladies liées à l'amiante

Guide de pratique clinique

Silicose

Vascularite

Guide de pratique clinique

Vascularites

Pneumonie radique

  • Les tableaux 2 et 3 présentent les choix de traitement antibiotique de la pneumonie communautaire.
Tableau 2. Antibiotiques dans le traitement de la pneumonie communautaire en ambulatoire. Adapté de : Infection aiguë des voies respiratoires inférieures chez l’adulte, Recommandations actuelles de soins en Finlande (Finnish Current Care Guideline 2015).
MédicamentDosageRemarques
1) L’amoxicilline peut être associée à un macrolide ou à la doxycycline. Le patient doit être suffisamment informé pour s'assurer qu'il prend les deux médicaments en même temps.
Médicaments de première intention
Amoxicilline750 mg – 1 g 3 fois par jourN'est pas efficace contre le Chlamydiae pneumoniae ou le Mycoplasma. À associer à un macrolide ou à la doxycycline, lorsque c’est indiqué 1).
Médicaments de seconde intention (médicament de première intention pour les patients allergiques à la pénicilline).
Doxycycline100 mg deux fois par jourLorsqu'on souhaite couvrir le Chlamydia pneumoniae et le Mycoplasma.À ne pas utiliser en médication unique en cas de pneumonie sévère
Moxifloxacine400 mg une fois par jourÀ considérer également si le patient a été traité avec d'autres antibiotiques au cours des 3 derniers mois (à l'exclusion du traitement d'une infection urinaire) ou a voyagé à l'étranger ou souffre d'une maladie sous-jacente sévère.Ces médicaments augmentent la résistance aux médicaments chez un certain nombre d'espèces bactériennes.
Lévofloxacine500 mg (1–) 2 fois par jour ou 750 mg une fois par jour
Tableau 3. Choix du traitement antibiotique initial par voie intraveineuse en cas de pneumonie communautaire chez le patient hospitalisé. Source : Infection aiguë des voies respiratoires inférieures chez l’adulte, Recommandations actuelles de soins en Finlande (Finnish Current Care Guideline 2015).
MédicamentDosageRemarques
1) Peut être administré en association avec un macrolide ou avec la doxycycline per os pour couvrir Chlamydia pneumoniae et Mycoplasma
Médicaments de première intention
Céfuroxime1)1,5 g 3–4 fois par jour par voie intraveineuseEfficace dans de nombreuses infections sévères autres que la pneumonieL'administration par voie orale n’est pas assez efficace.
Pénicilline G (benzylpénicilline)1)2 millions d'UI 6 fois par jour ou 2,5 à 5 millions d’UI 4 fois par jour par voie intraveineuseChez le patient jeune en bonne santé atteint de pneumonie lobaire sans maladie sous-jacenteLe céfuroxime est remplaçable par la pénicilline G dès que l’étiologie pneumococcique est confirmée.
Médicaments de seconde intention
Moxifloxacine400 mg une fois par jour par voie intraveineuse ou oralePasser à l'administration orale dès que possible
Lévofloxacine500 mg deux fois par jour ou 750 mg une fois par jour par voie intraveineuse ou oralePasser à l'administration orale dès que possible
  • Le traitement prescrit doit être efficace contre une infection à pneumocoques. Toujours prendre en compte les autres agents causaux s'il existe des raisons cliniques ou épidémiologiques de suspecter leur présence. Une infection à pneumocoques ne peut être définitivement exclue même lors d'épidémies clairement causées par le Mycoplasma ou Chlamydia pneumoniae.
  • Administrer la première dose de médication orale au cabinet médical.
  • Si l'état du patient ne s'améliore pas avec l'antibiotique de première intention en 2–4 jours, ajouter un traitement antibiotique efficace contre Chlamydia pneumoniae et Mycoplasma.
  • Les antibiotiques parentéraux sont indiqués chez les patients dont l'état général est détérioré ou qui présentent une maladie concomitante affectant le système immunitaire. Après un traitement intraveineux, recourir aux médicaments utilisés pour le traitement de la pneumonie à domicile.
    • La pneumonie de déglutition se traite dans un service hospitalier selon les mêmes principes que la pneumopathie communautaire. Si la réponse au traitement est faible et qu’il existe une forte suspicion de fausse route, associer éventuellement le métronidazole au traitement antibiotique.
  • La céfalexine n'est pas recommandée en traitement de première intention en cas de pneumonie non compliquée car son spectre d'activité est trop large et son efficacité contre le pneumocoque est inférieure à celle de l'amoxicilline. On peut toutefois l'envisager en antibiothérapie complémentaire chez le patient allergique à la pénicilline en administration intraveineuse à une dose minimale de 750 mg 3 fois par jour.
  • La ciprofloxacine ne convient pas au traitement de la pneumonie communautaire car elle n'est pas suffisamment efficace contre le pneumocoque.
  • La lévofloxacine et la moxifloxacine sont également efficaces contre le pneumocoque. Cependant, il faut les réserver aux patients dont l'allergie à la pénicilline a été formellement confirmée par une anamnèse précise et pour une éventuelle utilisation future si la résistance des pneumocoques à la pénicilline augmente.
    • L'utilisation généralisée de ces médicaments compromettrait aussi le traitement des infections urinaires et des infections causées par les bactéries Gram négatif.
  • Comme 10–15 % des pneumocoques sont résistants aux macrolides, l'utilisation des macrolides seule n'est pas recommandée. Il peut exister des différences spécifiques à chaque pays/région quant au niveau de résistance aux antibiotiques.

  • Évaluer la nécessité d'une oxygénothérapie (oxymétrie de pouls, gazométrie sanguine) chez les patients hospitalisés.
  • Traiter la déshydratation.
  • Éviter l'utilisation inutile des antipyrétiques et antitussifs.
  • Traiter les maladies sous-jacentes (insuffisance cardiaque, diabète).

​​​Les critères d'hospitalisation recommandés en France sont :

  • Âge :
    • ​≤ 65 ans et deux facteurs de risque de mortalité* 
    •  ou > 65 ans et au moins un facteur de risque de mortalité*
  • Signes de gravité  :
    • Altération de la conscience
    • Atteinte des fonctions vitales : PA systolique < 90 mmHg, pouls >120 /min, fréquence respiratoire > 30 /min.
    • Température < 35°C ou ≥ 40°C
  • Néoplasie associée (cancer autre que basocellulaire, actif ou diagnostiqué dans l’année).
  • Pneumonie d'inhalation ou sur obstacle trachéobronchique connu ou suspecté.
  • Situations particulières : complication de la pneumonie (notamment suspicion d’épanchement pleural ou d’abcédation) ; conditions socio-économiques défavorables ; inobservance thérapeutique prévisible ;  isolement social, notamment chez les personnes âgées.

* Les facteur de risque de mortalité sont :

  • insuffisance cardiaque congestive,
  • maladie cérébrovasculaire (antécédents d’accident vasculaire cérébral ou ischémique transitoire),
  • maladie rénale (insuffisance rénale chronique ou élévation de de la créatininémie),
  • maladie hépatique (cirrhose hépatique ou autre hépatopathie chronique),
  • BPCO,
  • diabète sucré non équilibré,
  • immunodépression (corticothérapie par voie générale ou traitement immunosuppresseur dans les 6 mois, splénectomie, chimiothérapie dans les 6 mois, SIDA, cachexie ...)
  • drépanocytose homozygote,
  • antécédent de pneumonie bactérienne,
  • hospitalisation dans l’année,
  • vie en institution.

Références

​Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS). Antibiothérapie par voie générale dans les infections respiratoires basses de l'adulte et de l'enfant. Recommandations. France, Saint-Denis : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Octobre 2005. 25 p.

Date de modification

19/04/2021

Auteurs

Driot, Damien

  • Le choix du lieu de traitement repose principalement sur l'évaluation de la sévérité de la pneumonie et des infrastructures disponibles pour effectuer le traitement prévu.
    • La réussite des soins à domicile dépend de la situation familiale et de la possibilité d'avoir de l'aide pour les activités quotidiennes tant que le patient est incapable de les effectuer lui-même.
  • En cas de pneumopathie d'apparition brutale (symptômes se manifestant en quelques heures), le patient doit toujours être hospitalisé rapidement pour suspicion d'infection à pneumocoques.
    • Chez les patients âgés de 50 ans ou moins, une fréquence respiratoire ≥ 20/min et une saturation en oxygène ≤ 92 % sont le signe d'une pathologie grave.
    • Par ailleurs, une CRP supérieure à 100 mg/l peut être le signe d'une pneumonie grave ou évoluant rapidement.
  • Suspecter une pneumonie grave et envisager une hospitalisation si le patient présente
    • un des signes suivants de pneumonie grave :
      • confusion ou niveau de conscience réduit
      • fréquence respiratoire supérieure ou égale à 20/min
      • pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg
      • pouls supérieur à 105/min
      • température corporelle < 36° C or > 38,5° C
      • formule leucocytaire < 3 × 109/l ou > 15 × 109/l
    • maladie sous-jacente sévère (maladie pulmonaire sévère, cancer, insuffisance hépatique, rénale ou cardiaque, trouble cérébrovasculaire ou immunodépression [dose journalière de prednisone de 10 mg ou plus] ou toute autre immunodéficience)
    • changements importants au niveau de plusieurs lobes pulmonaires ou des deux poumons
    • altération de l'état général sans les signes cliniques décrits ci-dessus.
  • Une hospitalisation peut être indiquée en cas de pneumonie légère, si le patient présente l'un des symptômes suivants :
    • vomissements empêchant la prise des médicaments
    • dyspnée et autres complications
    • diagnostic différentiel difficile à établir
    • maladie préexistante grave
    • immunosuppression
    • situation insatisfaisante au domicile.

  • Il est difficile de prédire l'évolution d'une pneumonie. Quel que soit le traitement choisi, il est impératif d'organiser un suivi pour tous les patients, ainsi que la possibilité de se faire examiner et traiter à nouveau si la maladie n'évolue pas comme prévu.
  • Chez les patients hospitalisés, on remplace l'administration intraveineuse par l'administration orale dès que le patient est hémodynamiquement stable, qu'il montre des signes cliniques de rétablissement et qu'il est capable d'avaler les médicaments .
  • Poursuivre l'antibiothérapie pendant au moins 5 à 7 jours. Le traitement peut généralement être interrompu après 10 jours. Ne pas arrêter la médication avant que le patient ne soit resté apyrétique pendant 2–3 jours.
  • On évalue la réponse au traitement après 2–3 jours. Cette évaluation repose sur le tableau clinique. La CRP ne commence à baisser qu'après seulement 3–4 jours.
  • En l'absence de réponse au traitement antibiotique, aborder les questions suivantes :
    • y a-t-il des signes de complication ? ; ou le patient souffre-t-il d'une autre maladie ressemblant à une pneumonie ? ;
    • le traitement couvre-t-il les souches Chlamydia pneumoniae et Mycoplasma ?
  • Envisager les complications possibles chez les patients hospitalisés ou très gravement malades (épanchement pleural

    Guide de pratique clinique

    Épanchements pleuraux et thoracentèse

    , empyème, abcès pulmonaire). Ne pas hésiter à consulter un spécialiste.
  • La radiographie de contrôle est indiquée chez les patients de plus de 50 ans et les fumeurs, mais pas avant 6–8 semaines après la fin du traitement en raison de la lente disparition des altérations à la radiographie. Si les symptômes ne s'améliorent pas de façon significative après maximum 2 semaines, une seconde radiographie est toujours indiquée.
  • La guérison prend souvent beaucoup de temps et l'arrêt maladie doit donc être prolongé en conséquence.

  1. NICE Guidance. Pneumonia in adults: diagnosis and management. Clinical guideline [CG191]. Published date: December 2014. Last updated: September 2019 .
  2. Metlay JP, Waterer GW, long AC ym. Diagnosis and treatment of adults with community-acquired pneumonia. An official clinical practice guideline of the American Thoracic Society and Infectious Diseases Society of America. Am J Respir Crit Care Med 2019;200(7):e45-e67. PubMed
Auteurs : Honkanen, Pekka